Logo du site
Calliope | Università di Corsica
Dante in paghjella  |

Textes et traductions

Extraits de la Commedia choisis et interprétés par A Ricuccata

Traductions du poète Antoine Graziani

INFERNO CANTO I : La selva oscura

Dante se perd dans la forêt obscure dont le souvenir l'épouvante encore. Mais la vue d'un rayon de soleil au sommet d'une colline le rassérène (1-18)

 

 

 

Nel mezzo del cammin di nostra vita

mi ritrovai per una selva oscura

ché la diritta via era smarrita.

 

Ahi quanto a dir qual era è cosa dura

esta selva selvaggia e aspra e forte

che nel pensier rinova la paura !

 

Tant'è amara che poco è più morte ;

ma per trattar del ben ch'i' vi trovai,

dirò de l'altre cose ch'i' v'ho scorte.

 

Io non so ben ridir com'i' v'intrai,

tant'era pien di sonno a quel punto

che la verace via abbandonai.

 

Ma poi ch'i' fui al piè d'un colle giunto,

là dove terminava quella valle

che m'avea di paura il cor compunto,

 

guardai in alto, e vidi le sue spalle

vestite già de' raggi del pianeta

che mena dritto altrui per ogne calle.

Dans le milieu du chemin de notre vie

je me retrouvai en une selve obscure

la droite voie ayant soudain disparu.

 

Ah c’est chose dure à dire ce qu’elle était

cette forêt  sauvage et si forte et âpre

que dans la pensée la peur se renouvelle !

 

amère est tant que mort est à peine plus,

mais pour traiter du bien que j’y trouvai,

je dirai toutes choses que j’y ai vues.

 

Décrire comment j’y entrai je ne sais

tant le sommeil sur moi avait eu d’emprise

au moment que j’abandonnai la voie vraie.

 

Mais quand je parvins au pied de la colline

au lieu où se terminait cette vallée

qui m’avait si fortement contraint le cœur

 

je regardai en haut et vis ses épaules

déjà vêtues des rayons de la planète

qui dirige droit chacun en tout passage.

 

 

INFERNO CANTO III : La città dolente

Guidé par Virgile, Dante arrive à l'entrée de l'Enfer, d'où nul ne revient et qu'il lui faudra traverser jusqu'au fond. Gravée sur la porte de la « cité de douleurs », une terrible inscription commande d'abandonner toute espérance (1-12). La barque de Charon vient alors charger sa cargaison d'âmes damnées pour leur faire traverser le Styx (82-87). Comme des oiseaux migrateurs, les âmes se regroupent sur le rivage (118-120).

 

Per me si va ne la città dolente,

per me si va ne l'etterno dolore,

per me si va tra la perduta gente.

 

Dinanzi a me non fuor cose create

se non etterne, e io etterno duro.

« Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate »

 

Queste parole di colore oscuro

vid’io scritte al sommo d’una porta ;

per ch’io : « Maestro, il senso lor m’è duro »

 

Ed ecco verso noi venir per nave

un vecchio, bianco per antico pelo,

gridando : « Guai a voi, anime prave ! »

 

Non isperate mai veder lo cielo :

i’ vegno per menarvi a l’altra riva

ne le tenebre etterne, in caldo e ’n gelo.

 

Così sen vanno su per l’onda bruna,

e avanti che sien di là discese,

anche di qua nuova schiera s’auna.

Par moi l’on va dans la dolente cité

par moi l’on va à l’éternelle douleur

par moi l’on a rejoint l’engeance perdue.

 

Rien avant moi ne fut créé qui ne soit

éternel et je dure éternellement :

Or vous qui entrez, laissez toute espérance.

 

je vis ces paroles d’obscure couleur

gravées dans le linteau d’une porte

“Maître, dis-je, leur sens m’est dur”.

... /...

Et voici venir vers nous en une barque

un vieillard à l’antique, blanche toison

criant : “malheur à vous, âmes dépravées !

 

Et n’espérez pas revoir jamais le ciel,

Je suis là pour vous conduire à l’autre rive

jusqu’au gel, au feu, à l’éterne ténèbre.”

 

Elles s’en vont ainsi par dessus l’onde noire

et avant même qu’elles n’aient débarqué

une troupe neuve sur ce bord s’assemble

 

 

 

 

INFERNO CANTO XIII : La pianta silvestra

Dans la forêt des suicidés, Dante rencontre Pier della Vigna changé en arbre, qui lui explique le châtiment réservé à ceux qui se sont donné la mort : leur âme, tombée au hasard, germe ici et devient une plante dont les Harpyes se nourrissent éternellement, et où leur corps sera pendu le jour du Jugement Dernier (94-108).

 

Quando si parte l'anima feroce

dal corpo ond'ella stessa s'è disvelta,

Minòs la manda a la settima foce.

 

Cade in la selva, e non l'è parte scelta ;

ma là dove fortuna la balestra,

quivi germoglia come gran di spelta.

 

Surge in vermena e in pianta silvestra :

l'Arpie, pascendo poi de le sue foglie,

fanno dolore, e al dolor fenestra.

 

Come l'altre verrem per nostre spoglie,

ma non però ch'alcuna sen rivesta,

ché non è giusto aver ciò ch'om si toglie.

 

Qui le trascineremo, e per la mesta

selva saranno i nostri corpi appesi,

ciascuno al prun de l'ombra sua molesta.

 

“Quand est partie l’âme féroce du corps

dont elle-même s’est voulu délivrer

Minos lui assigne la septième fosse.

 

Elle tombe en la selve sans choisir le lieu

en la part où fortune la précipite.

Elle germe là comme graine d’épeautre

 

surgissant en tige et en plante sylvestre.

Les harpies pâturant bientôt son feuillage

douleur lui font et font à douleur fenêtre.

 

Nous irons comme toutes à nos dépouilles

mais sans nous en revêtir car il n’est juste

ravoir ce que l’on s’est soi-même enlevé.

 

Ici nous les traînerons et par la triste

selve seront suspendus nos corps chacun

aux épines de son ombre violente”.

 

 

 

INFERNO CANTO XXVI : Ulisse

Tout au fond de l'Enfer, Dante rencontre Ulysse enveloppé dans la même flamme que le fourbe Diomède, et l'interroge sur les circonstances de sa mort (79-84). Ulysse raconte qu'après être revenu à Ithaque il est reparti en mer à l'aventure, franchissant les Colonnes d'Hercule avec des compagnons animés du désir de connaître « le monde inhabité » (103-120).

 

« O voi che siete due dentro ad un foco,

s'io meritai di voi mentre ch'io vissi,

s'io meritai di voi assai o poco

 

quando nel mondo li alti versi scrissi,

non vi movete ; ma l'un di voi dica

dove, per lui, perduto a morir gissi ».

 

L'un lito e l'altro vidi infin la Spagna,

fin nel Morrocco, e l'isola d'i Sardi,

e l'altre che quel mare intorno bagna.

 

Io e ' compagni eravam vecchi e tardi

quando venimmo a quella foce stretta

dov'Ercule segnò li suoi riguardi,

 

accio che l'uom più oltre non si metta :

da la man destra mi lasciai Sibilia,

da l'altra già m'avea lasciata Setta.

 

« O frati », dissi « che per cento milia

perigli siete giunti a l'occidente,

a questa tanto oicciola virgilia

 

d'i nostri sensi ch'è del rimanente,

non vogliate negar l'esperienza,

di retro al sol, del mondo sanza gente.

 

Considerate la vostra semenza :

fatti non foste a viver come bruti,

ma per seguir virtute e canoscenza ».

“Vous qui êtes deux en une seule flamme

Ah si vivant j’ai pu mériter de vous

si j’ai mérité ou très peu ou beaucoup

 

quand dans le monde j’écrivis ces hauts vers

restez ! je vous en prie, que l’un de vous dise

où, par lui perdu, il est allé mourir.”

... / ...

“Je vis les deux rivages jusqu’à l’Espagne

et jusqu’au Maroc, je vis l’île des Sardes

et les autres îles que baigne cette mer.

 

Mes compagnons et moi étions lents et vieux

lorsque nous parvînmes à ce fameux détroit

qui fut par Hercule signé d’interdit

 

afin que l’homme n’en franchisse la passe.

Nous avions laissé à main droite Séville

et Ceute à main gauche était déjà passée.

 

“O mes frères, leur dis-je, qui par cent mille

périls êtes parvenus à l’occident,

aujourd’hui que nous voici à la vigile

 

si chétive accordée encor à nos sens,

veuillez ne pas leur refuser l’expérience

du monde dépeuplé où va le soleil.

 

Considérez la semence qui est vôtre

et vous créa non pour vivre comme brutes

mais bien pour suivre vertu et connaissance”.

 

 

 

PURGATORIO CANTO I : L’ora mattutina

A peine sortis du centre de l'Enfer, Dante et Virgile arrivent sur la plage du Purgatoire au moment où le soleil se lève. Virgile lave les joues de Dante pour le purifier de lanoirceur infernale, puis le couronne d'une herbe magique qui repousse instantanément (115-136).

 

L'alba vinceva l'ora mattutina

che fuggia innanzi, sì che di lontano

conobbi il tremolar de la marina.

 

Noi andavam per lo solingo piano

com'om che torna a la perduta strada,

che 'nfino ad essa li pare ire in vano.

 

Quando noi fummo là 've la rugiada

pugna col sole, per essere in parte

dove, ad orezza, poco si dirada,

 

ambo le mani in su l'erbetta sparte

soavemente 'l mio maestro pose :

ond'io, che fui accorto di sua arte,

 

porsi ver' lui le guance lagrimose :

ivi mi fece tutto discoverto

quel color che l'inferno mi nascose.

 

Venimmo poi in sul lito diserto,

che mai non vide navicar sue acque

omo, che di tornar sia poscia esperto.

 

quivi mi cinse sì com'altrui piacque :

oh maraviglia ! ché qual elli scelse

l'umile pianta, cotal si rinacque

 

subitamente là onde l'avelse.

L’aube l’emportait sur l’heure de matines

qui fuyait au-devant, si bien que de loin

je reconnus le trembler de la marine.

 

Par la plaine solitaire nous allions

comme qui retourne à la route perdue

et s’il ne la trouve pense aller en vain.

 

Arrivés au point où la rosée en lutte

avec le soleil par chance d’une brise

légère ne s’évapore que très peu,

 

mon maître avec délicatesse posa

sur la jeune herbe les deux mains bien ouvertes

et moi qui compris la raison de son geste

 

je tendis vers lui mes joues pleines de larmes,

ainsi il les rinça leur restituant

la mienne couleur qu’enfer avait masquée.

 

Nous vînmes ensuite au littoral désert

qui ne vit jamais en ses eaux naviguer

homme si expert qu’il puisse en revenir.

 

Là selon le haut vouloir il préleva

pour m’en faire une ceinture une humble plante

et celle-ci, ô merveille, soudainement

 

se mit à renaître où elle fut enlevée.

 

 

 

PURGATORIO CANTO II : L’amoroso canto

Sur la plage apparaissent les ombres des pénitents, et Dante reconnaît son ami musicien Casella, qu'il interroge (94-99). Il lui demande de chanter ses propres vers, et la chanson charme tous les assistants (106-117).

 

Ed elli a me : « Nessun m’è fatto oltraggio,

se quei che leva quando e cui li piace,

più volte m’ha negato esto passaggio ;

 

ché di giusto voler lo suo si face :

veramente da tre mesi elli ha tolto

chi ha voluto intrar, con tutta pace.

 

E io : « Se nuova legge non ti toglie

memoria o uso a l’amoroso canto

che mi solea quetar tutte mie doglie,

 

di ciò ti piaccia consolare alquanto

l’anima mia, che, con la sua persona

venendo qui, è affannata tanto! ».

 

Amor che ne la mente mi ragiona

cominciò elli allor sì dolcemente,

che la dolcezza ancor dentro mi suona.

 

Lo mio maestro e io e quella gente

ch’eran con lui parevan sì contenti,

come a nessun toccasse altro la mente.

Et lui me dit : “Nul outrage contre moi

de qui transporte qui il veut quand il veut

s’il m’a refusé plusieurs fois à son bord.

 

Son vouloir un juste vouloir le décide.

Et vraiment il embarque depuis trois mois

en toute bienveillance qui veut monter.”

... /...

“Si loi nouvelle ne veut que tu oublies,

dis-je, cet usage du chant amoureux

qui m’enlevait jadis de toute inquiétude

 

qu’il te plaise encor d’en consoler un peu

mon âme avec son corps jusqu’ici venus

à force d’une si oppressante angoisse !”

 

Amour dont la raison me parle en l’esprit

commença-t-il si doucement à chanter

que dedans moi la douceur encor résonne.

 

Mon maître et moi, et toute la compagnie

des âmes semblaient si heureux que rien autre

toquant à l’esprit n’aurait pu accéder.

 

 

 

PURGATORIO CANTO XVII : Lento amore

En gravissant la montagne du Purgatoire, Dante reçoit de Virgile des leçons d'éthique et de science naturelle. Sur la corniche où sont punis les négligents, ceux dont l'amour du bien est trop lent, Virgile laisse entendre la nature tripartite de l'amour (124-139).

 

Questo triforme amor qua giù di sotto

si piange ; or vo’ che tu de l’altro intende,

che corre al ben con ordine corrotto.

 

Ciascun confusamente un bene apprende

nel qual si queti l’animo, e disira ;

per che di giugner lui ciascun contende.

 

Se lento amore a lui veder vi tira

o a lui acquistar, questa cornice,

dopo giusto penter, ve ne martira.

 

Altro ben è che non fa l’uom felice ;

non è felicità, non è la buona

essenza, d’ogne ben frutto e radice.

 

L’amor ch’ad esso troppo s’abbandona,

di sovr’a noi si piange per tre cerchi ;

ma come tripartito si ragiona,

 

tacciolo, acciò che tu per te ne cerchi.

“On pleure au-dessous ces trois formes d’amour.

Or comprends à présent comment celui-ci

se précipite au bien par fausse ordonnance.

 

Chacun confusément un bien assimile

dont il se rassure et qu’il va désirer.

Et dès lors à l’obtenir toujours s’oblige.

 

Si amour lent vous tire à l’apercevoir,

et encor à l’acquérir, cette corniche,

après juste repentir, vous en meurtrit.

 

Un bien encore ne rend pas l’homme heureux,

il n’est pas le bonheur, ni la bonne essence

qui de tout bien est le fruit et la racine.

 

A cet autre bien de s’être trop voué,

l’amour pleure par trois cercles au dessus.

Mais le pourquoi de cette tripartition,

 

je le tairai pour que seul tu le découvres”.

 
PURGATORIO CANTO XX : Maladetta sie tu, antica lupa

Invectives contre l'insatiable désir de richesses, opposé à la pauvreté de Marie et de la crèche de la Nativité (10-24).

 

Maladetta sie tu, antica lupa,

che più che tutte l’altre bestie hai preda

per la tua fame sanza fine cupa !

 

O ciel, nel cui girar par che si creda

le condizion di qua giù trasmutarsi,

quando verrà per cui questa disceda ?

 

Noi andavam con passi lenti e scarsi,

e io attento a l’ombre, ch’i’ sentia

pietosamente piangere e lagnarsi ;

 

e per ventura udi’ « Dolce Maria ! »

dinanzi a noi chiamar così nel pianto

come fa donna che in parturir sia ;

 

e seguitar : « Povera fosti tanto,

quanto veder si può per quello ospizio

dove sponesti il tuo portato santo ».

Sois maudite antique louve inassouvie,

qui chasse plus souvent que les autres bêtes,

ton appétit sans limite t’engloutisse !

 

O Ciel dont on pense que la giration

transmute les conditions de l’ici-bas,

fais signe quand viendra qui sait la détruire !

 

Nous avancions lentement à pas comptés,

et moi attentif aux ombres j’entendais

plein de pitié se plaindre et pleurer les âmes,

 

ainsi je perçus devant nous un appel

lancé parmi les larmes : Douce Marie !

comme souvent femme implore en accouchant,

 

et poursuivre :“ Pauvre tu étais autant

qu’il se voit à considérer cet asile

en lequel ton fardeau saint tu déposas.”

 

 

 

PURGATORIO CANTO XXXI : Beatrice

Au sommet du Purgatoire, Dante arrive au Paradis terrestre où Béatrice lui apparaît avec trois Nymphes « devenues au ciel des étoiles », qui l'exhortent à le regarder et à lui parler pour récompenser sa fidélité (124-138).

 

Pensa, lettor, s’io mi maravigliava,

quando vedea la cosa in sé star queta,

e ne l’idolo suo si trasmutava.

 

Mentre che piena di stupore e lieta

l’anima mia gustava di quel cibo

che, saziando di sé, di sé asseta,

 

sé dimostrando di più alto tribo

ne li atti, l’altre tre si fero avanti,

danzando al loro angelico caribo.

 

« Volgi, Beatrice, volgi li occhi santi »,

era la sua canzone, « al tuo fedele

che, per vederti, ha mossi passi tanti!

 

Per grazia fa noi grazia che disvele

a lui la bocca tua, sì che discerna

la seconda bellezza che tu cele ».

Pense, lecteur, si ce fut pour moi merveille

de voir, toute concentrée en sa quiétude,

la chose se transformer en son image.

 

Pendant que pleine de stupeur et joyeuse

mon âme se délectait de ce repas

qui de soi rassasie et de soi affame,

 

les trois autres faisant montre en leur maintien

d’un plus haut rang, se portèrent en avant

dansant en mesure de leur chant angélique.

 

Et telle était leur chanson : “Tourne tes yeux,

Béatrice, tes yeux saints sur ton fidèle,

considère combien de pas pour te voir

 

il fit, et de grâce par grâce dévoile

ta bouche pour lui, afin qu’il aperçoive

cette seconde beauté qu’encor tu caches.

 

PARADISO CANTO XXXIII : L’alto lume Misteri della Trinità e di l’Incarnazione di Dio

Le dernier chant du Paradis, qui s'ouvre sur une prière de Saint Bernard à la Vierge, s'achève sur la contemplation de l'unité cosmique. Après avoir traversé tous les cercles célestes, Dante dit l'indicible vision de la lumière divine, au moment où lui sont révélés en image les mystères de la Trinité et de l'Incarnation (97-145).

 

Così la mente mia, tutta sospesa,

mirava fissa, immobile e attenta,

e sempre di mirar faceasi accesa.

 

A quella luce cotal si diventa,

che volgersi da lei per altro aspetto

è impossibil che mai si consenta ;

 

però che 'l ben, ch'è del volere obietto,

tutto s'accoglie in lei, e fuor di quella

è defettivo ciò ch'è lì perfetto.

 

Omai sarà più corta mia favella,

pur a quel ch'io ricordo, che d'un fante

che bagni ancor la lingua a la mammella.

 

Non perché più ch'un semplice sembiante

fosse nel vivo lume ch'io mirava,

che tal è sempre qual s'era davante ;

 

ma per la vista che s'avvalorava

in me guardando, una sola parvenza,

mutandom' io, a me si travagliava.

 

Ne la profonda e chiara sussistenza

de l'alto lume parvermi tre giri

di tre colori e d'una contenenza ;

 

e l'un da l'altro come iri da iri

parea reflesso, e 'l terzo parea foco

che quinci e quindi igualmente si spiri.

 

Oh quanto è corto il dire e come fioco

al mio concetto! e questo, a quel ch'i' vidi,

è tanto, che non basta a dicer `poco'.

 

O luce etterna che sola in te sidi,

sola t'intendi, e da te intelletta

e intendente te ami e arridi !

 

Quella circulazion che sì concetta

pareva in te come lume reflesso,

da li occhi miei alquanto circunspetta,

 

dentro da sé, del suo colore stesso,

mi parve pinta de la nostra effige :

per che 'l mio viso in lei tutto era messo.

 

Qual è 'l geomètra che tutto s'affige

per misurar lo cerchio, e non ritrova,

pensando, quel principio ond' elli indige,

 

tal era io a quella vista nova :

veder voleva come si convenne

l'imago al cerchio e come vi s'indova ;

 

ma non eran da ciò le proprie penne :

se non che la mia mente fu percossa

da un fulgore in che sua voglia venne.

 

A l'alta fantasia qui mancò possa ;

ma già volgeva il mio disio e 'l velle,

sì come rota ch'igualmente è mossa,

 

l'amor che move il sole e l'altre stelle.

Ainsi l’esprit mien tout en suspens tenu

en sa vision fixe, immobile, attentif,

de fixer encore plus s’illuminait.

 

On change à cette lumière et devient tel

que s’en détourner pour un autre aspect,

impossible désormais d’y consentir.

 

Le bien en effet seul objet du vouloir

se recueille tout en elle et se parfait

tandis qu’extérieur il demeure en défaut.

 

Mon parler dès lors, malgré le souvenir,

sera moins puissant que celui de l’enfant

dont la langue encor se mouille à la mamelle.

 

Non qu’il y eût plus d’une simple apparence

en la vive lumière que j’admirais,

elle est encor telle qu’elle fut avant,

 

mais ma vision de plus en plus valeureuse,

en me transformant moi-même me montrait

la transformation de l’unique apparence.

 

Dans la très claire et profonde subsistance

de ce noble éclat, trois cercles m’apparurent,

en une seule dimension trois couleurs,

 

le premier réfléchit l’autre comme iris

en iris, le troisième montrait d’un feu

le souffle égal en chaque direction.

 

Ah comme dire ne sert que peu l’idée,

comme il s’essouffle devant elle, mais elle

saisit si peu que ce “peu” ne convient plus.

 

O lumière éternelle en toi même sise,

par toi seule intelligible et entendue,

en cette intelligence amour donnes et rire.

 

Cette circularité ainsi conçue

en toi comme une lumière réfléchie,

pour l’avoir longuement observée mes yeux

 

virent apparaître à même sa couleur,

comme la peinture du visage humain :

dès lors mon voir eut son lieu tout désigné.

 

Tel est le géomètre tout appliqué

à mesurer le cercle, et ne trouve plus

le principe qui échappe à son esprit,

 

tel j’étais moi-même à cette vue nouvelle :

voir il me fallait comment se sont unis

l’image au cercle et comment elle s’y retrouve.

 

Mais à tel vol mon aile n’eût pas suffi

si par l’éclair dont l’esprit fut percuté

ne s’était montré le terme de ses vœux.

 

Mais là s’épuise la haute fantaisie ;

déjà mon désir et vouloir, comme roue

régulièrement menée, les entrainait

 

l’amour qui meut le soleil et les étoiles.

 

 

 

Page mise à jour le 24/11/2021 par BENJAMIN BOURGEOIS